Quand une femme tue son bébé nouveau-né

La naissance d’un bébé qu’elle soit désirée ou refusée, imposée ou profondément espérée, comporte toujours un moment où une femme accède ou pas à la maternité. Il ne suffit donc pas d’en passer par l’accouchement, comme l’indique une grande partie des législations, pour qu’une femme soit mère, ou surtout désire l’être.

L’infanticide est juridiquement défini comme la volonté de donner intentionnellement la mort à un enfant de moins de trois jours. À compter du quatrième jour il devient un homicide ordinaire. Au début du XXe siècle en Argentine, l’infanticide était considéré comme une forme atténuée d’homicide, que les femmes commettaient « pour cacher leur déshonneur » et tuaient leur enfant sous l’influence de l’état puerpéral.

Avec la réforme légale de la législation nationale de 1994, la figure de l’infanticide a disparu, la base sur laquelle elle s’étayait ayant été considérée comme anachronique. Il en résulte qu’en Argentine une femme qui tue son enfant encourt la réclusion à perpétuité, ou de huit à dix ans de prison en cas de circonstances atténuantes, puisque son acte est devenu un « homicide simple ».

C’est ici qu’intervient le cas de Romina Anahí Tejerina qui a accouché dans sa salle de bains et avec l’aide de sa sœur, a coupé le cordon ombilical avant de placer le bébé dans une petite boîte et de le tuer de vingt-et-un coups de couteaux. Lors du jugement, le Parquet a requis la peine de prison à perpétuité tandis que la défense réclamait l’acquittement. Finalement, elle a été condamnée pour « homicide aggravé par le lien » à quatorze ans de prison.

Comment expliquer ce passage à l’acte homicide ? Comment un nouveau-né devient-il la cible de cet effort pour se débarrasser d’un kakon, d’un mal, de l’ennemi intérieur à éliminer ? Il n’existe pas d’instinct maternel, dit Lacan, et rien dans la nature des choses ne dit comment être mère et quelles passions peut générer la naissance d’un enfant. La figure légale de l’infanticide, que l’on tente de réintégrer dans la législation, adoucit le châtiment d’une femme qui n’a pas trouvé d’autre issue que son crime ; c’est une tentative pour prendre en compte les particularités de l’état puerpéral, et la détresse déclenchée face à la présence réelle d’un enfant qui ne peut être intégré dans une généalogie symbolique. Dans chaque cas singulier il faudra examiner quel fut ce bébé pour cette femme qui n’a désiré ni consenti à devenir mère d’un enfant.

Traduit de l’espagnol par Anne Goalabré

NOTAS
* Publicado en Lacan Quotidienne 403, el 21/05/2014 – http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2014/05/LQ-403.pdf