Otto Gross et le negativisme psychotique

par Silvia Elena Tendlarz et Vicente Palomera

Otto Gross, freudien de la premiere génération, a été un « précurseur de l’interprétation psychanalytique des psychoses » pour deux bonnes raisons. D’une part, parce que des 1904, alors qu’il est encore jeune psychiatre, il fait une élaboration théorique des psychoses qui prend en compte les premieres formulations freudiennes. Et d’ autre part, parce qu’en 1908 il devient le premiere psychotique en analyse. Nous n’aborderons pas ici les péripéties de son analyse avec Jung ni meme la question du dianostic différentiel de sa psychose : démence précoce selon Jung, paranoia chronique cocaineque selon Freud. Nous allons reprende son analyse des phénomenes négativistes dans la psychose tele qu’il l’élabore en 1904.

Pour ce travail il va reprendre le concept de trouble de la volonté chez Kraepelin et le mettre en rapport avec un mécanisme freudien de la Traumdeutung. Kraepelin présente le concept de démence précoce dans la sixieme édition de son « Traité de Psychiatrie » (1899). Il introduduit la problématique de la manifestation paranoide de la démence précoce. La démence précoce se caractérise par un trouble de la pensée qui évolue progressivement jusqu’a une phase terminale d’affaiblissement paradémential. C’est a dire par un état qui coporte : déficit et négativisme, affaiblissement du jugement et appauvrissement moteur et affectif. En revanche, la paranoia caractérise par sa nature interprétative et no hallucinatoire, et par l’installation d’un systeme délirant durable avec la conservation de la clarté, de l’ordre dans la pensée, la vouloir et l’action. Kraepelin constate que dans la démence précoce les patients se croient manipulés, dominés ou possédés par une personnalité étrangere. Mails il va différencier le coté paranoide de la démence précoce de la véritable paranoia en ce que l’idée de l’action d’une force extérieure est un trouble de la volonté qui spécifie la démence précoce. Alors que dans la paranoia la catégorie de la volonté n’est pas atteinte.

Dans la Traumdeutung (1900), Freud différencie les processus primaires des processus secondaires. Les processus primaires se caractérisent par un déroulement automatique des pensées inconscientes qui s”socient au désir dans le reve. les processus secondaires représentent seulement la mise en forme de ces pensées le désir.

L’idée centrale d’Otto Gross dans ses articles de 1904 est de comparer l’irruption des processus primaires du reve avec la discontinuité des chaines associatives qui caractérise les symptomes négativistes catatoniques. De meme, les symptomes catatoniques sont des altérations de la volonté. Cette volonté est expérientée comme venant d’autrui, par l’irruption de chaines inconscientes dans la continuité de la conscience, donc interprétée comme l’action d’un pouvoir étranger. C’est a dire qu’elles sont ressentiers comme un pouvoir étranger au sujet. C’est d’ailleurs ainsi qu’Otto Gross comprend le caractere paranoide du symptome catatonique.

Dans son travail « Sur la désintégration de la conscience », Gross affirme que l’activité psychique consciente a une unicité synchronique garantie par le principe d’association. Si une chaine associative inconsciente fait irruption dans la continuité de la conscience, celle-ci est donc expérimentée comme étrangere. En conséquence cette représentation ne procede pas des propres organes de la conscience, mails elle est vécue comme provenant de l’extérieur.

Pour illustrer ce développment Gross présente le schéma suivant :

Dans cette figure, la ligne a représente la chaine consciente et la ligne b la chaine inconsciente. L’irruption d’une représentation x fait que la conscience en tient compte sans modifier sa continuite. La representation reste enfermée dans la conscience (y) comme un élément étranger. Pour la continuité de la conscience le symptome qui émerge soudain de l’inconcient provient du dehors. Cette attribution est produite par le mécanisme de projection. Le délire apparait quand ce qui était projete se met en rapport avec le monde exterieur. Ces symptomes projetes sont qualifies d’hallucinations ou d’impulsions vers le mouvement ou vers l’acte (ce sont les mouvements catatoniques).

Selon Gross la projection est produite par une diminution des proncipes de regulation cerebrale sur laquelle s’appuie l’unite de la conscience, ce qui produit sa scission. Dans ce cas-la, Gross trouve pertinent de parler de Sejunktion. En essayant de depasser l’ancienne denomination de demence precoce, Gross cree une nouvelle entite nosographique qu’il nomme « demence sejunktive », cadre qui n’eut aucune repercussion dans le milieu psychiatrique de l’epoque. A la difference de l’accent mis par Kraepelin sur le cours de la maladie, Gross valorise le symptome. Curieusement, Otto Gross avait connaissance, a cette epoque la, des Memoires du President Schreber, et il inclut Schreber dans son cadre de demence sejunktive.

Pour developper cette conception, il reprend un cas clinique dans son article « Sur le diagnostic differentiel des phenomenes negativistes ». Il s’agit d’une patiente psychotique qui lui parle de ses mouvements bizarres. Soudain une occurrence la pousse a les accomplir. Ce sont des gestes completement involontaires. Elle dit : « Je peux le faire, je dois le faire, je dois le poursuivre, sinon c’est terrible ». La patiente indique ainsi une sequence qui part de la possibilite et qui rapidement glisse a l’imperatif duquel elle ne peut plus se liberer. Un pouvoir la contraint a reagir. Cette force arrive de l’inteireur mais, en meme temps, agit comme un agent exterieur : un dieu ou quelque personnage malin. L’action de cet agent ne regule pas son mouvement mais transforme sa volonte. Gross demande donc a sa patiente ou agit cette force sur sa volonte ou sur son mouvement. Et elle repond : « D’abord sur la volonte et apres a partir de la volonte sur le mouvement ». De ces declarations, Gross conclut que ces series de mouvements ne sont pas experimentees comme indesirables mais que le pose le probleme de leur concordance avec la volonte.

Otto Gross differencie deux modes d’atteinte de la consciente ; la desagregation de la conscience dans la demence precoce, et le mode de division de la conscience postule par Freud dans l’hysterie. La demence precoce implique un trouble de l’activite de la conscience, alors que l’hysterie est une division systematique du contenu de la conscience. Gross differencie ensuite deux modes de refus ; il distingue des etats affectifs de refus, du negativisme catatonique. Les premiers appartiennet a la personnalite consciente et peuvent etre expliques par l’introspection. En revanche, le mecanisme catatonique est un phenomene psychophysique qui fait irruption dans la continuite de la conscience mais qui ne lui appartient pas.

Dans son livre, Le mot d’esprit et son rapport avec l’inconscient, Freud reprend l’article sur le negativisme d’Otto Gross. Freud essaie lui aussi de differencier deux sortes de refus : l’Urteilsverwerfung, la forclusionn par le jugement, et la Verdrangung, le refoulement. Le refoulement est considere comme intermediaire entre le reflexe de defense et la condamnation. Il cite donc Bleuler et Gross pour montrer comment ses etudes sur le negativisme dans la psychose mettent en evidence la relation de contradictions indiquee dans le reve. Cette premiere articulation freudienne se poursuit dans les articles « Das Unbewusste » en 1915 et « Die Verneinung » en 1925. On peut voir comment chez Freud le mecanisme negativiste contribue a l’etude de la negation.

Pour conclure il faut souligner que l’originalite d’Otto Gross fut d’une part, de mettre en evidence le caractere paranoide du symptome catatonique, -comme Eric Laurent l’a remarque c’est la premiere approche a l’analyse freudienne du President Schreber, -et d’autre part, Otto Gross lui aussi a percu le fonctionnement automatique des chaines de signifiants qui caracterise la psychose.

Publicado en : Actes de l’Ecole de la Cause freudienne, París 1987.

NOTES

  1. Freud, S. :Le mot d’esprit et son rapport avec l’inconscient, Ed. Gallimard, 1930.
  2. Gross, O. :Zur differential diagnostik negativistic her Phanomene, Psychiat Neur Wschr VI, 1904, p. 345-353, p. 357-363.
  3. Gross, O. « Uber Bewusstseinszerfall », Mschr f Psychiat u Neur XV, 1904, p 45-51.
  4. Gross, O. : « Zur nomenclatur ‘Dementia Sejunktiva’ », Neur Centrabl XXIII, 1904, p. 1144-46.
  5. Kraepelin, E. : La psychose irreversible, Ed. Navarin, 1987.
  6. Laurent, E. : « La question de la psychose chez les eleves de Freud », Lettres de l’Ecole freudienne N 27, 1979.